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Gaza, l'héroïsme des gens ordinaires


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VU DE PALESTINE Gaza, l'héroïsme des gens ordinaires

Hommage à 1,7 million d'êtres humains assiégés à Gaza pour qui chaque jour paraît une éternité. Et rien ne sert de disserter sur le silence du monde, écrit cet éditorialiste palestinien.

 

Shaffaf | Hassan Khader 25 juillet 2014

 

 

 

Un homme se tient devant les ruines d'un batîment détruit par l'armée israélienne à Gaza, le 25 juillet 2014 - AFP/Marco Longari Un homme se tient devant les ruines d'un batîment détruit par l'armée israélienne à Gaza, le 25 juillet 2014 - AFP/Marco Longari

 

Quelque 1,7 million d'êtres humains dans la bande de Gaza. Garçons et filles, maris et femmes, pères et mères, enfants, adolescents, vieux, malades, bien portants, riches et pauvres : tous sont exposés à une mort qui frappe à l'aveugle. Personne ne sait quand il va mourir, mais les explosions qui retentissent tantôt au loin tantôt tout près, rendent la mort une hypothèse plus que probable.

 

Il n'y a pas d'héroïsme dans la guerre, ni dans la mort. Le pire n'est pas la mort ; c'est de l'attendre. Le véritable héroïsme est ce que font un 1,7 million d'êtres humains pendant sept jours par semaine, vingt-quatre heures par jour, soixante minutes par heure, soixante secondes par minute, afin de rester en vie, de ne pas devenir fou et de ne pas franchir la frontière ténue qui sépare l'humain de l'animal.

 

A Gaza, il n'y a pas d'abris où se réfugier, ni de sirènes pour alerter les gens à l'approche d'un avion de chasse, ni de "dôme de fer" [nom du bouclier antimissile israélien], ni de défense antiaérienne, ni de médecins disposant d'équipements médicaux de pointe, ni de toutes sortes d'autres moyens permettant de sauver des vies.

 

Rien de neuf

 

Si une maison s'effondre sur ses habitants, le problème est réglé. Mais si les habitants en réchappent, le problème reste entier. Car ils subissent alors de nouvelles affres : dénués, nus, condamnés à chercher un autre endroit pour s'abriter.

 

1,7 million d'êtres humains sous un ciel de plomb, sur une terre brûlante. Rien ne sert de disserter sur l'impuissance arabe. Cela fait longtemps qu'on l'a constatée. Rien ne sert de dénoncer le silence du monde et l'absence de conscience internationale. Cela fait longtemps qu'on l'a fait. Rien ne sert de parler des crimes de guerre de l'Etat d'Israël à l'encontre de civils. Cela fait longtemps qu'on l'a dit.

 

Tous ces mots font parti d'un univers familier auquel le journaliste a recours quand il se voit contraint d'écrire sur ce sujet à propos duquel il a déjà développé toutes les analyses, interprétations et commentaires imaginables et inimaginables. Rien de neuf. Pourquoi la guerre actuelle serait-elle différente des précédentes et surtout de celles à venir dans un an ou deux ?

 

Vivre en enfer

 

Tout cela n'a aucun intérêt pour 1,7 million d'êtres humains pour qui chaque jour paraît une éternité puisque rien au monde ne peut leur garantir que ce ne sera pas le dernier, mais qui n'attendent pas la nuit pour autant puisque rien ne leur permet d'être sûrs qu'ils se réveilleront le lendemain.

 

Les gens ne savent la réalité des affres qu'ils traversent qu'une fois qu'ils peuvent souffler à nouveau. C'est seulement à ce moment-là qu'ils peuvent expliquer ce que cela signifie de vivre en enfer. C'est seulement à ce moment-là qu'ils comprennent l'héroïsme de la vie quotidienne avec tout ce qu'elle comporte de banalité, de routine, de choses insignifiantes.

 

L'héroïsme de se comporter normalement, malgré la mort qui rode, entre une mère et ses enfants. L'héroïsme des pères qui ne peuvent sauver leurs enfants de la mort tout en cherchant à garder quelque chose du rôle paternel.

 

En attendant la prochaine guerre

 

Nous tous, à divers degrés, sommes tombés dans le travers des récits héroïques qui mettent des gens ordinaires au service d'une cause et qui veulent à tout prix en faire des figures exemplaires. Nous ne comprenions pas qu'en ce faisant, nous les privions de leur droit à être reconnus pour leur héroïsme ordinaire.

 

Il y en aura encore qui mourront, ou qui vivront, au gré des hasards. Puis tout ce fracas finira par cesser. Alors, les commentateurs oublieront ce qui s'est passé et les écrans de télévision seront occupés par d'autres scènes, d'autres morts à d'autres endroits. Les envoyés spéciaux, les photographes et les journalistes des agences de presse partiront pour laisser au chômage technique les porte-parole et autres spécialistes ès déclarations à la presse.

 

Là-dessus, 1,7 million d'êtres humains sortiront la tête des nuages de fumée, de poussière et de poudre, après avoir réchappé à la mort qui frappe à l'aveugle. En attendant la prochaine guerre.

 

Shaffaf

| Hassan Khader

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