Samir16 10 Posted September 28, 2014 Partager Posted September 28, 2014 En Algérie : la peur est un souvenir qui vous tient la main, le ventre, la tête, le poumon et le reste du corps. Un Français a été égorgé au pays et c'est le peuple qui a peur d'être dépeuplé. L'assassinat est horrible : il rappelle que la mort n'est pas la réconciliation et que cela peut revenir. Etre tué, égorgé et proscrit, isolé, évité et contourné. L'image de l'Algérie est une chose si fragile, si ténue dans le monde, si coûteuse : un rien et on retombe dans la case du pays à éviter pour les touristes et les vols d'oiseaux et les espèces menacées. Et cela vous tue vivant : pourquoi sommes-nous maudits de la sorte ? A peine revenus à la vie que déjà chassés par l'odeur des morts que nous promenons ? Pourquoi ce triste destin de pays invisible ou seulement par le pire ? Pourquoi de tous les pays « arabes » il aura fallu que cela soit dans le nôtre que certains ont répondu à l'appel de Daech et autres barbares ? Paris : rues éclairées par un ciel lavé. Des arbres se penchent sur des ombres à elles. Le feuillage vert est comme une rivière éparpillée vers le haut. Des piétons pressés. Puis l'affaire de l'Egorgé. Elle remplit les discussions, la bouche et la tête, les journaux, les médias et la langue du chauffeur de taxi. Tout le pays revient mais par la mauvaise porte : sa guerre, sa décolonisation, ses années 90, ses exilés, mains rouges et pieds noirs et visages las, les clichés et cette étrange invisibilité de l'Algérie en France : due à la proximité qui éloigne, à l'histoire qui voile, en prétend donner la parole aux morts pour l'enlever aux vivants surtout. Que faire alors ? Expliquer mais cela est dur. Le pays, le sien, qui vous porte et emporte n'a plus rien à dire aux autres. Les rues de Paris sont sous le soleil du début d'automne. L'Egorgé parle partout de sa mort et le hurle sur les toits sans fin. Cela détruit car cela tue le seul pays que vous possédez et qui vous possède. L'affaire ramène à la surface les préjugés, les procès, le mépris, la colère chez les autres. L'explication par le Fellaga est une mauvaise odeur. L'affaire a fait reculer le pays dans l'ombre et le passé. Elle nous coûte en images. Elle résume tout et presque rien. C'est l'époque. Algérie terre vivante où la mort est un soleil et le sang un dernier signe de la main avant le silence. L'affaire fait dire tout et n'importe quoi sur le pays. Et nous n'y pouvons presque rien. On n'a pas égorgé un Français mais un être humain et nous tous avec. Il y a perdu la vie et, nous on ne la retrouve presque pas. C'est triste pour nous et dur pour les amoureux de cet homme. Kamel DAOUD Citer Link to post Share on other sites
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