pmat 276 Posted January 7, 2015 Partager Posted January 7, 2015 bonjour on a entendu certain parti pris pour camus eh voici un sujet sur lui Camus anarchiste ? des Chemins de la liberté. Bien entendu les arguments contre Sartre ne manquent pas ! A commencer par ... philosophiques les opposent, ce n’est qu’en 1952, huit ans seulement avant la mort de Camus, qu’il y aura réelle ... à la fiabilité des caténaires). Piqué au vif par les critiques émises suite à ses positions ... BLOG 9913 MOTS JPD 30/08/2013 - 15:50 2 COMMENTAIRES Citer Link to post Share on other sites
pmat 276 Posted January 7, 2015 Author Partager Posted January 7, 2015 par jpd #Israel #Palestine #Gaza #antisémitisme #LDJ . Valls . boycott . communisme libertaire . conspirationnistes . dieudonné . etat . israël . organisation communiste libertaire . organisation communiste libertaire libertaire Camus anarchiste ? 30 AOÛT 2013 | PAR JPD Pour alimenter la discussion sur Camus anarchiste, un article paru dans Courant alternatif (mensuel anarchiste communiste) en 2009, et à la suite un vieux texte de Benjamin Péret sur Camus : "le révolté du dimanche" De Camus à Onfray, une permanence libérale en milieu libertaire Il a toujours existé dans le mouvement anarchiste un courant essentiellement culturel qui a revêtu, au cours de l’Histoire des formes allant d’un anti marxisme primaire à un individualisme forcené, d’un culte du moi à une méfiance viscérale des grands mouvements sociaux que nous prisons tant ! Actuellement ce courant prend des formes multiples et souvent contradictoires mais qui ont un point en commun, le rejet de l’idée de révolution sociale. C’est ainsi qu’on peut lire la montée d’Onfray au firmament de la pensée libertaire, puis sa chute brutale. Dans Siné hebdo du 19 novembre 2008 Michel Onfray abordait en ces termes les arrestations qui avaient eu lieu à Tarnac le 11 : “Anarchistes, les saboteurs de TGV à la petite semaine ? Curieux qualificatif pour des rigolos qui servent surtout le dogme sécuritaire.” Un peu plus loin : “la poignée de crétins qui, semble-t-il, jouissaient d’immobiliser les TGV en sabotant les caténaires…” ; enfin, il réutilisait de nouveau le terme “rigolo” mais en laissait tomber le “semble-t-il” : “la bande de rigolos qui croit contribuer à l’avènement du grand soir en stoppant cent soixante TGV…”. Il recommandait à ces “demeurés” de relire Pouget et de s’en inspirer pour faire un “bon usage du sabotage” (le titre de son article). L’affaire est à présent connue et, comme l’a écrit, je ne sais où, un blogueur, nous avons été des milliers à croire que Philippe Val (voir Courant alternatif, août 2008, “Charlie hebdo, De Val en pis”) avait été embauché à Siné Hebdo ! Non seulement Onfray se moquait de la présomption d’innocence mais encore il le faisait dans des termes et sur un ton professoral et stalinien où le mépris le disputait à la haine. Et qui plus est, au nom de l’Anarchisme, le vrai !, celui dont il se targue d’être adepte, tandis que les inculpés de Tarnac, qui par ailleurs n’ont jamais prétendu s’y référer, ne seraient que d’innocents adolescents attardés et, sans doute, incultes. Mais n’insistons pas davantage, Claude Guillon a réglé son compte au philosophe libertaire de la plus belle manière qui soit dans le texte “Pourquoi Onfray-t-il mieux de se taire”, (Pourquoi Onfray-t-il mieux de se taire). Après avoir passé en revue trois épisodes de l’offensive hivernale du chevalier Onfray, Claude Guillon nous prévient qu’il “n’écarte pas l’hypothèse d’un quatrième à venir”. Eh bien il est venu pas plus tard que le 17 décembre dans le numéro 15 de Sine hebdo, sous le titre “Passez Noël avec Camus” où il s’emploie à encenser l’auteur de L’étranger par contrepoint à celui des Chemins de la liberté. Bien entendu les arguments contre Sartre ne manquent pas ! A commencer par la cécité et les égarements politiques d’un indécrottable compagnon de route qui, après avoir rompu avec le très stalinien PC français, ne trouve rien de mieux que, après 68, s’acoquiner avec des staliniens plus “tendance”, les maoïstes de la Gauche prolétarienne. Mais après tout, Camus aussi fut, lui aussi, membre du PC, même s’il en fut exclu. Ce qui nous laisse pantois ce sont certains arguments d’Onfray : à ses yeux Camus est sain (mens sana in corpore sano), il joue au football, il aime le grand air et le soleil, Sartre est un parisien qui aime sortir le soir jusqu’à pas d‘heure, qui se détruit - il fume, il boit ! -, il fait même de la boxe. Onfray nous dit : Camus veut s’engager en 39, Sartre découvre la résistance et l’engagement après la guerre. Or, en 1939, Camus écrit “ Qu’est-ce que la guerre ? Rien. Il est profondément indifférent d’être civil ou militaire, de la faire ou de la combattre ”. Comme personnage “engagé”, il y a mieux. Finalement, au prix d’un choix qu’on pourrait qualifier de “sartrien” il s’engage tout de même... dans l’armée, (pas mal pour un libertaire !), mais il est refusé car il est tubar. Sartre, lui aussi, s’engage ; mais il n’est pas tubar et est fait prisonnier. Libéré en 1941 il opte tout de même pour la résistance (très pantouflarde selon Jankélévitch, mais résistance quand même !). En 1943 Camus prend la tête du journal clandestin Combat, créé en 1941 et il y fait écrire... Sartre et Henri Jeanson. A la libération Camus et Sartre travaillent ensemble dans le même journal et si des questions philosophiques les opposent, ce n’est qu’en 1952, huit ans seulement avant la mort de Camus, qu’il y aura réelle rupture. Jusque-là Camus n’avait pas vu, à l’inverse d’Onfray, autant de motifs de séparation. Onfray, en psy de salon suggère la vilenie sartrienne par un compte mal réglé avec son beau père qui lui aurait volé sa mère ! Que dire alors des rapports de Camus avec sa mère !!! Enfin, il termine en disant que Sartre est devenu un philosophe pour classe terminale et Camus un philosophe intempestif. Mais c’est Camus qui accepte le prix Nobel en 1957 et Sartre qui le refuse en 1964 de manière quelque peu… intempestive, c’est vrai ! Les positions politiques de Camus Ce sont celles d’un pied noir libéral qui renvoie dos à dos le colonisateur et le colonisé (1). Devinez donc quelle serait sa position aujourd’hui sur le massacre de Gaza ? Il refuse, en 1958, de signer une pétition contre la saisie du livre d’Alleg, La Question qui dénonce la torture pratiquée par l’armée française. En 1960, dans la même ligne, il refuse de signer Le Manifeste des 121. Mais n’en rajoutons pas, Sine lui-même, dans le même numéro de Siné-hebdo a dressé une liste des raisons que l’on peut avoir de ne pas apprécier Camus, malgré l’auréole de libertaire que lui accolent certains anars, comme ils le faisaient il y a peu encore, avec Onfray. Car si il y a un parallèle à faire dans ces histoires entre Camus et Onfray, ce n’est pas l’inclinaison du second pour le premier, mais que les deux ont construit leur légende de libertaires grâce à l’adoubement d’une partie du mouvement anarchiste. Onfray a écrit dans Le Monde Libertaire et cela lui sert même de passeport de compétence, il y est abonné depuis l’âge de 17 ans et prétend n’avoir dit, dans cette histoire de Tarnac, que ce que la Fédération anarchiste avait proclamé dans son communiqué. Il est vrai, qu’à mes yeux en tout cas, le communiqué de la FA n’était pas “clean” : “désaccord sur ces actes de sabotage qui contribuent d'une part à développer l'incompréhension et la condamnation des opinions sur l'éventuel sens politique de ses actions, et d'autre part au renforcement des mesures répressives du Capital et de l'Etat”, on prend ses précautions, au cas où… ; “Les anarchistes reconnaissent le droit inaliénable, individuel et collectif, à l'insubordination, à la révolte et à l'insurrection”… mais à condition d’être dans la bonne ligne, “L'action directe doit trouver son apogée dans la grève générale expropriatrice et autogestionnaire, prélude à la société libertaire à laquelle nous aspirons.” Rien de bien extraordinaire dans ces déclarations, la dose d’idéologie et les généralités habituelles, mais justement, dites ce jour-là ça fait quand même “on ouvre le parapluie” au cas où. Imaginez ! S’ils étaient coupables, faudrait pas qu’on nous confonde avec eux ! Or précisément, ce jour-là, le 11 novembre, n’est pas le jour à faire dans la nuance jésuitique. Notre solidarité ne porte pas sur ce qu’il auraient fait ou non mais sur ce qu’ils sont et sur ce qu’on leur fait. La bonne ligne d’un militant anarchiste patentée, il y a d’autres occasions pour la défendre, s’il faut le faire. Mais, tout de même, la Fédération anarchiste réclamait la libération des personnes arrêtées, Onfray non ! Espérons que plus personne, dans le mouvement libertaire ne continuera à faire les yeux doux à ce futur Gluksmann. Les positions politiques d’Onfray Elles sont nettement moins originales que ses redécouvertes philosophiques. On les trouve exprimées globalement dans le Nouvel observateur, en janvier 2007. Il est “anti-libéral et défenseur du capitalisme”. Il se dit gaullien, défend la Constitution de 1958 et l’élection d’un président au suffrage universel : il faut une rencontre entre un homme charismatique et le peuple et c’est ce que fut Mitterrand qui, de ce fait, a pu unifier la gauche. Unifier la gauche, le rêve d’Onfray, qui pense que le problème c’est le manque d’un fédérateur. En fait, être antilibéral et défenseur du capitalisme en même temps, c’est dissocier le mode de production basée sur la propriété privée (incontestablement “capitaliste” !) du mode de répartition des richesses par le marché libre (le libéralisme). Evidemment, selon nous, le mode de répartition est indissociablement lié au mode de production, mais enfin il n’est pas le seul à raisonner de cette manière que nous estimons être une erreur : c’est le cas de la très grande majorité du mouvement altermondialiste, des taxeurs tobiniens (qui, d’ailleurs, ne défendent plus guère leur revendication), des réformistes keynésiens… Cette opinion, pas plus qu’une autre, ne mérite ni insulte ni mépris vis-à-vis de ceux qui y croient vraiment (c’est une tout autre chose de la part de qui l’utilise à des fins démagogiques), mais ce qui est certain c’est que ce n’est, en aucun cas, une optique anarchiste ! Tour à tour défenseur d’une union d’extrême gauche à l’initiative du PC qui “concentre le meilleur du PS et de l’extrême gauche”, après avoir soutenu Besancenot puis se retournant vers Bové qu’il rejetait juste avant, de nouveau tenté par le NPA, rassurez-vous, braves gens, il finira par voter Royal… Bref, le personnage navigue à vue dès qu’il met le bout du doigt de pied dans la “concrétude”, il fait comme de nombreux intellectuels de gauche (pensez à Morin ou Lefort), qui s’emberlificotent dans des méandres qu’ils ne maîtrisent ni ne connaissent). Onfray manque de temps pour bien analyser, il le dit lui même. Le gaillard court à droite et à gauche de conférence en conférence, de radio en radio, il écrit à la vitesse d’un Bourseiller (2), c’est dire ! Bref c’est un philosophe TVG qui sillonne la France en des temps record, un croisé de l’athéisme (ce qui explique peut-être son besoin d’être rassuré quant à la fiabilité des caténaires). Piqué au vif par les critiques émises suite à ses positions dans Sine hebdo, notre professeur s’énerve et continue à administrer des leçons aux anarchistes : abolition des classes, disparition du salariat, suppression du capitalisme, voilà ce qu’Onfray déclare anachronique et illusoire. Il faut refonder la République, expulser la violence révolutionnaire, remplacer les partis par le pouvoir individuel, voilà son programme. suite Citer Link to post Share on other sites
pmat 276 Posted January 7, 2015 Author Partager Posted January 7, 2015 Alors libertaire Onfray, comme Camus ? Oui sans doute, dans le sens libéral et humaniste du terme. Mais pas révolutionnaire. Anarchiste ? Pourquoi pas, il ne nous appartient pas de décider qui l’est ou ne l’est pas, il nous suffit de dire qu’il y a des courants qui s’en réclament et avec lesquels nous n’avons pas grand chose en commun. Depuis très longtemps existe un mouvement anarchiste “culturel” qui se place en dehors de tout possibilisme révolutionnaire et rupturiste et pour qui la lutte des classes est une maladie. Depuis quelques années cette tendance renaît sous différentes formes et souvent après un passage outre-atlantique : individualisme, antispécisme, primitivistes, pour le pire, citoyennistes ou municipalistes pour les plus “sociaux” mais toujours culturels et très souvent universitaires. On assiste à une remise au premier plan de l’“individu” — L’Unique ! — au détriment du social et du collectif, archéologie du savoir puisé à la fois chez Nietzsche, chez les individualistes et les post anarchistes américains (Zerzan et Hakim Bey, p. e.), récupération et réduction du “changeons la vie ici et maintenant à un “savoir vivre anarchiste dans nos niches” emprunt de moralisme et de politiquement correct et volontairement déconnecté de toute analyse de classe de la société et du capitalisme. Toute pensée est libre d’exister, mais libre à nous de ne pas la fréquenter même si nous portons la même étiquette. Quoique… N’ayant pas eu la possibilité de donner un coup de pied au *** de Camus, je serais volontiers volontaire pour botter celui d’Onfray, en tout cordialité bien sûr ! JPD, janvier 2009, in CA février 2009 1. Ce qui, rappelons-le, fut le cas d’une partie des anarchistes pendant la guerre d’Algérie, comme à présent dans le conflit sur les territoire palestinien. (2) L’ignoble fouille-merde, auteur d’une Histoire (falsifiée) de l’Ultra-gauche, auquel il faudra bien un jour tirer fermement les oreilles ou, même, pourquoi pas, l’entartrer avec dignité. ------ Benjamin PÉRET Le Révolté du dimanche L'homme social naît de la révolte. En se révoltant, l'homme affirme sa qualité, son essence supérieure au reste de la nature, sa capacité de gérer son destin (puisqu'il révèle sa volonté de choix en rejetant un état antérieur) et offre la seule garantie qu'il puisse donner — sa vie — pour que la vie sociale soit. Cette révolte, Camus le dit, est un non et un oui. Non, à l'injustice et à l'oppression et ce non, de son grondement, domine le oui encore faible de la justice et de la liberté. Cependant, cette révolte n'est pas apparue soudainement, champignon de rosée à l'aube de l'homme social ; il a fallu que cet homme parcourût un long chemin dans le dédale souterrain de lui-même. Il s'est, à droite et à gauche, heurté aux superstitions, a trébuché sur la routine, roulé dans les gouffres des religions, car il ne pouvait s'appuyer sur aucune pensée sociale puisqu'il n'était pas encore cet homme social que la révolte éveille, mais seulement sur son intuition d'homme se cherchant dans les ténèbres de son esprit, que justement la révolte va entreprendre de dissiper. Dans ce souterrain, qui le conduit du troupeau à l'éveil social, l'homme désespéré n'a trouvé qu'un profond ressentiment contre ce qui l'écrase. De quel usage lui sera-t-il ? Il n'en sait rien, mais instinctivement et à tout hasard, il s'y tient. Il a raison car sur le plan affectif où il est alors totalement situé, il n'a rien autre à sa disposition. En effet, si la révolte naît d'une situation intolérable qu'il s'agit d'abolir, elle repose sur un complexe affectif animé par le ressentiment. Cependant, c'est dans la mesure où ces états seront surmontés ou tendront à l'être que la révolte naîtra, puisque le ressentiment n'aboutit, en ligne droite, qu'à la vengeance. L'éclatement de la révolte marque donc le moment où ces états sont dominés ou tendent à l'être, où la vengeance est sublimisée, en un mot, elle marque le passage plan affectif individuel au plan collectif où l'homme se révèle un être social, même si la révolte ne s'exprime que par un acte individuel, puisque cet acte traduit ou a l'ambition de traduire une aspiration collective consistant, avant tout, dans le rejet d'une situation génératrice de révolte. A son tour, ce refus comporte divers éléments : condamnation de l'injustice faite à l'homme, aspiration à une situation exempte de cette injustice, à la liberté. L'esclave veut abolir l'esclavage, le prolétaire veut abolir le prolétariat, l'un comme l'autre attentant à la justice et à la liberté, mais sous cette exigence, gît une nouvelle aspiration qui n'a pas encore trouvé la possibilité de se manifester, bien qu'elle soit l'âme même de la révolte : l'égalité. « Tu n'es qu'un homme comme moi, pas plus que moi, dit l'esclave au maître, le prolétaire au capitaliste (dira un jour l'ilote de la contre-révolution stalinienne au policier du N.K.V.D.), je suis ton égal. » La révolte implique donc une triple aspiration : justice, liberté, égalité ; mais des trois revendications, une seule, l'égalité, garantit la viabilité des deux autres, bien que, dans la révolte, elle soit plutôt implicite que formulée. Cette révolte, en effet, gravite initialement dans un climat imprécis, un monde aux limites floues où l'affect s'élance vers la conscience. Elle est en quelque sorte un compromis entre la passion rejetant l'injustice et la conscience aspirant â l'égalité. C'est pourquoi la révolte vise avant tout à abolir la situation contre laquelle elle s'élève, sans envisager, de prime abord, d'yrien substituer. Elle ne peut donc pas aboutir à une subversion de la situation qui l'a engendrée mais, dans le meilleur des cas, à son atténuation. Encore celle-ci ne pourra-t-elle être obtenue tempoairement que si la révolte est assez puissante pour l'imposer et inciter l'oppresseur à des concessions auxquelles il se tiendra tant qu'il la craindra. Lorsque Dreux-Brézé disait à Louis XVI, « ce n'est pas une révolte, mais une révolution », il exprimait d'un seul coup toute la distance qui sépare l'une de l'autre. La révolte, en effet, ne veut explicitement que la cessation de l'état qui l'a engendrée, mais ne sait pas ce qu'il y a lieu d'y substituer et même si un état différent peut être substitué à celui qui la motive. La révolution, en échange, donne un but à cette révolte, sans lequel elle ne peut rien, au terme négateur de la révolte, elle accouple le terme positif d'une affirmation : pas d'oppression, pas d'injustice, mais liberté par l'égalité. La révolution est donc une révolte supérieure, une révolte qui a gardé son moyen passionnel en se donnant un but conscient et le révolution- aire est un révolté qui a mûri, puisqu'il sait non seulement ce qu'il veut supprimer, mais ce qu'il cherche à faire éclore. Camus a donc raison de dire : « Le révolutionnaire est en même temps un révolté ou alors il n'est pas révolutionnaire ». Il faudrait même dire qu'il n'y a pas de révolutionnaire qui ne soit révolté et celui qui se prétend dépourvu d'esprit de révolte n'est qu'un bureaucrate en puissance, un contre-révolutionnaire en réalité. Toutefois, lorsqu'il ajoute aussitôt « mais policier et fonctionnaire ni se tourne contre la révolte », il tombe dans une des contradictions dont son livre est émaillé. Il montre d'abord par là qu'il ne sait pas ce qu'il dit car un révolté révolutionnaire ne peut pas se faire « policier et fonctionnaire » sans perdre de ce fait sa double qualité de révolté et révolutionnaire. Cette contradiction, comme saucoup d'autres, provient de ce que Camus, après avoir défendu la révolte stérile du terroriste qui succombe à son attentat, met la révolte à plat-ventre, puis entreprend de justifier la position qu'il lui impose. Ses laudateurs l'ont fort bien compris ; c'est pourquoi on les trouve sur tout l'éventail politique de la réaction, de Staline à de Gaulle, de L'Aurore à Action, en passant par Le Figaro. Cette unanimité révèle mieux que n'importe quelle analyse, si complète soit-elle, le caractère réactionnaire du livre de Camus. Si Camus s'est trompé (en admettant qu'il se soit trompé), la réaction a vu clair : d'ordinaire, elle loue un ouvrage dans la mesure où les idées qui y sont exprimées viennent renforcer ses positions. Lénine, dont on peut, à juste titre, sans lui retirer en rien sa qualité de révolutionnaire, contester aujourd'hui de nombreuses conceptions, s'inquiétait, chaque fois qu'il recevait quelque approbation d'un réactionnaire, de l'erreur qu'il avait pu commettre. ouhaitons que Camus, s'il en est capable, s'inspire de cet exemple de probité intellectuelle. SUITE Citer Link to post Share on other sites
pmat 276 Posted January 7, 2015 Author Partager Posted January 7, 2015 L'ouvrage de Camus vise, en effet, à embrasser la révolte sous tous ses aspects, dans toutes ses expressions et dans toutes ses conséquences. L'entreprise est des plus ambitieuses et suppose, sur le plan social, une étude approfondie de toutes les formes de révolte et des conceptions révolutionnaires qu'elles ont engendrées. Camus a-t-il fait cette étude ? Fontenis a pu affirmer dans le Libertaire (1), du 4 janvier 1952 que Camus avait, de l'anarchie en général et de Bakounine en particulier, une connaissance des plus sommaires, probablement limitée à la lecture de l'Histoire de l'Anarchie, pourrait-on ajouter. Nora Mitrarli a montré dans La révolte en question (p. 79), qu'il ne connaissait guère de Sade que des citations prise de ci de là {chez Klossowski ?) entre autres chez elle. Il reproduit une phrase qu'elle avait citée avec une malencontreuse coquille, portant sur un déplacement de guillemets, en conservant pieusement l'erreur (L'Homme révolté, p. 64). Pas de chance ! Il est évident aussi qu'il n'a pas plus scruté Marx que Bakounine ou Sade. Cela saute aux yeux. Tout au plus le connaît-il à travers des publications staliniennes où Marx est mis à la sauce Guépéou et les citations qu'en font ses commentateurs et critiques. En l'occurrence, il semble que la Sociologie du Communisme, de Jules Monnerot, ait été largement mise à contribution. (1) Même démonstration, plus précise encore, par Gaston Levai, dans Le Libertaire du 28 mars 1952. Un exemple : Les termes antagonistes d'une situation historique peuvent se nier les uns les autres, puis se surmonter dans une nouvelle synthèse. Mais il n'y a pas de raison pour que cette synthèse soit supérieure aux premières. Ou plutôt, il n'y a de raison à cela que si l'on impose arbitrairement un terme à la dialectique, si donc on y introduit un jugement de valeur venu du dehors. Si la société sans classes termine l'histoire, alors en effet la société capitaliste est supérieure à la société féodale dans la mesure où elle rapproche encore l'avènemènt de la société sans classes. L'Homme révolté, p. 76. La « société sans classes » mettrait fin à l'histoire, dans la mesure où l'histoire des hommes est l'histoire de leurs luttes de classes. Ce serait un saut, une mutation, il s'agirait d'une différence comme celle qui sépare l'histoire de la préhistoire, mais alors il est faux de dire que « l'histoire des hommes est l'histoire de leurs luttes de classes »... La société sans classes sera-t-elle une société sans histoire ? Un archétype « fixiste » transparaît â travers ce naufrar ge de la dialectique. Sociologie du Communisme, page 201 On remarquera sans peine les similitudes des deux textes et des idées qu'ils expriment. La différence notable qu’ilsprésentent cependant réside en ce que Monnerot critique Marx après l'avoir étudié, tandis que Camus ignore Marx, mais extrait de Monnerot ce qui sert à sa polémique contre Marx. Il importe, en passant, de répondre à Monnerot, et par là même à Camus, que l'histoire des hommes a été et reste dans une large mesure l'histoire de leurs luttes de classes sur le plan social. Elle l'a été, depuis la naissance des sociétés de classes et le restera jusqu'à l'établissement d'une société sans classes. A partir de là, l'histoire traitera de cette partie étrangère à l'histoire dès luttes de classes et sans doute d'autre chose encore, que nous ne pouvons pas imaginer, mais il est clair que la société sans classes ne marque pas la fin de l'histoire, tout au plus marque- t-elle la fin de l'histoire dominée par l'histoire des luttes de classes, de même que notre histoire présente dominée par l'histoire des luttes de classes, a marqué la fin de l'histoire légendaire où déjà pointait parfois l'histoire des luttes de classes. Par ailleurs, Camus, en critiquant l'introduction d'un jugement de valeur dans un raisonnement dialectique, en introduit subrepticement un autre de caractère négatif, en niant implicitement une amélioration, relative et progressive du sort matériel et culturel des hommes. Elle est cependant évidente si l'on compare les époques d'apogée des diverses sociétés qui se sont succédé, celles qui ont donné à l'homme le maximum de possibilités inhérentes à leur forme et compatibles avec le maintien de la séparation de l'homme d'avec les instruments de travail. Si, en échange, on confronte les époques de déclin, on constate que l'homme descend d'autant plus bas qu'il a eu plus de possibilités d'émancipation totale. Que l'on compare, d'une part, le niveau de vie, de liberté et de culture atteint au début de ce siècle, dans la société capitaliste, avec l'apogée de n'importe quelle autre société et d'autre part la situation présente des ilotes du stalinisme avec celle des esclaves aux pires époques de l'histoire, dans les sociétés les plus barbares qui ont existé l Dans quel monde a-t-on vu condamner un garçon de 15 ans à cinq ans de camp de travail forcé pour avoir, étant en Pologne, franchi illégalement une frontière de la « patrie des travailleurs », afin d'échapper aux armées d'invasion de Hitler ? Tout cela pour mourir treize ans plus tard dans ces mêmes camps, après une condamnation supplémentaire à dix nouvelles années d'internement ? Et la dégénérescence du capitalisme, dont la Russie est partie intégrante, ne fait que commencer ! suite Citer Link to post Share on other sites
pmat 276 Posted January 7, 2015 Author Partager Posted January 7, 2015 Il en va des idées de Marx comme de toutes les idées qui sont inévitablement un produit de l'époque où elles ont été formulées. Elles comportaient une partie périssable, puisqu'elles étaient limitées par les connaissances de son temps. Une partie de l'ouvrage de Monnerot représente un effort critique de Marx et du marxisme dont on peut seulement regretter qu'il ne soit pas accompagné de propositions positives. Il n'en va pas de même de Camus, car L'Homme révolté, malgré sa bande prétentieuse, ne vise pas à « comprendre notre temps », mais à l'adapter aux idées de Camus. Exactement ce qu'il reproche à certains « marxistes » ! De même que ceux-ci ont une vue fidéiste de Marx, Camus fait de l'anti-marxisme un article de foi. L'un ne vaut pas mieux que l'autre. Je ne vois pas toutefois la possibilité de rejeter Marx sous le prétexte que certaines de ses conceptions sont périmées ou reflètent une pensée dont ses héritiers n'ont pas poursuivi la mise à jour nécessaire en fonction des acquisitions de la connaissance. Marx est un élément capital de la pensée révolutionnaire et socialiste du siècle passé. Il importe de le soumettre à la critique qu'il a fait subir à ses devanciers et contemporains, afin que les éléments vivants des uns et des autres (je pense en particulier à certaines idées libertaires) puissent trouver leur place dans une théorie plus adaptée aux nécessités de notre temps. J'ai cité quelques lignes de Camus mises en regard d'un fragment correspondant de Monnerot, mais en réalité, l'essentiel du chapitre de Camus sur le « terrorisme d'Etat et la terreur rationnelle » vient de la Sociologie du Communisme (1). Seuls sont propres à Camus l'amalgame qu'il crée entre communisme et stalinisme et les conclusions qu'il en tire. De l'excellence de cet amalgame vient certainement une partie des éloges que la réaction traditionnelle lui a décernés. Les rapports entre la pensée de Marx et le stalinisme ne peuvent cependant pas être niés, mais ils sont ceux de la viande avec la mouche qui la corrompt, de la liberté avec le gendarme, de la révolution avec la contre-révolution (2) En fait, le stalinisme est issu, économiquement parlant, de l'adoption par Lénine et les bolcheviks d'une tactique erronnée, indiquée par Marx, touchant la propriété des moyens de production, après la prise du pouvoir politique. Marx pensait qu'une fois le régime capitaliste aboli et remplacé par le pouvoir des travailleurs en armes, les moyens de production pouvaient sans inconvénient devenir propriété de l'Etat incarnant ces mêmes travailleurs. Cet Etat, dans l'esprit de Marx, n'était déjà plus un Etat, au sens traditionnel du terme, puisqu'il était l'expression directe de la majorité de la population intéressée à en finir avec l'oppression, dont l'Etat est l'instrument le plus achevé. La survivance de l'Etat, après la prise du pouvoir,n'était, pour Marx comme pour Lénine, que le moyen de liquider l'héritage du capitalisme et d'assurer la transition vers la société sans classes. La prise du pouvoir marquait donc pour lui le premier jour de l'agonie de l'Etat. L'erreur consistait à viser à la mort de l'Etat et à lui donner en même temps un pouvoir nouveau et formidable, le pouvoir économique, si bien qu'au lieu de dépérir, il renaissait plus puissant que jamais, véritablement tout puissant. Il est non moins vrai que Marx a également défendu la nationalisation des moyens de production en système capitaliste. Il y voyait un avantage pour la révolution sociale, le jour de son triomphe. Il y mettait cependant comme condition, au moins implicite, que cette nationalisation fût accompagnée de l'extension des libertés ouvrières. Là aussi il se trompait, car la nationalisation des moyens de production en régime capitaliste résulte de révolution automatique de l'économie, elle indique que la société est déjà en voie de décomposition, celle-ci s'accentuant à mesure que s'accroissent les attributions de l'Etat. (1) Entre autres, les visées impériales du stalinisme, le messianisme attribué à Marx, l'opposition entre ce dernier et l'esprit grec, le rapport entre marxisme et christianisme, le rôle du syndicalisme révolutionnaire. (2) Camus accuse Marx d'avoir engendré Staline mais oublie que le national-socialisme se réclamait de Nietzsche, avec autant de droits d'ailleurs que Staline de Marx, mais n'en accuse pas pour autant Nietzsche d'être responsable de Hitler. Pourquoi ? Parce que Camus ne cherche pas ce qui reste de valable chez l'un ou l'autre, mais veut justifier Nietzsche et accuser Marx. Ce phénomène s'est déjà produit, notamment dans la Rome impériale, il se répète sous nos yeux, en Russie et, à moindre échelle, dans le reste du monde, y compris la France. Ce n'est donc plus une question d'une « plus ou moins grande omnipotence de l'Etat » qui « pourrait être réduite par l'évolution économique », c'est tout juste le contraire. Cette évolution économique même conduit automatiquement à l'omnipotence de l'Etat à travers la nationalisation des moyens de production et même à travers les trusts gigantesques des Etats-Unis, auxquels l'Etat est maintenant si étroitement mêlé qu'il est encore très difficile de dire qui a le pas sur l'autre. Faut-il voir, par analogie, dans ce dernier cas, un état auquel serait applicable la notion d'indétermination d'Heisenberg ? La nationalisation de la production a donné à Staline la base sans laquelle la contre-révolution qu'il a accomplie sournoisement, de l'intérieur même des institutions de la révolution vidées lentement de leur contenu, n'aurait pas étépossible. Une contre-révolution était cependant inévitable sous une autre forme à cause de l'isolement de la Russie et de l'échec de toutes les tentatives révolutionnaires en Occident. Il est aisé de dire aujourd'hui, après l'exemple de la révolution russe et de la contre-révolution stalinienne, que Marx s'est trompé sur la valeur et la signification de la nationalisation des moyens de production. Il cherchait plus qu'il n'affirmait. Il a indiqué plusieurs possibilités et ce sont justement ces recherches que Camus semble lui reprocher lorsqu'il note, après Michel Collinet, que Marx a envisagé successivement trois modes de pouvoir prolétarien. Camus aurait-il souhaité qu'il maintînt le premier — tout en comprenant son erreur — pour le simple plaisir de ne pas se contredire ? A ce propos, il y a lieu de remarquer que Marx abandonne ses conceptions antérieures, touchant la nature du pouvoir politique des travailleurs, lorsque la Commune de Paris lui apporte un démenti en adoptant un système qu'il n'avait pas imaginé. Il n'hésite donc pas à accepter la leçon des faits. Par ailleurs, la forme prise par la révolution en Russie a été abandonnée, en 1936, en Espagne, où en 48 heures, le régime capitaliste a été détruit de fond en comble, les travailleurs s'étant emparés des moyens de production, usine par usine, localité par localité, après avoir détruit les forces de répression de l'Etat capitaliste. A telle enseigne que le stalinisme a dû, par la suite, les reconstituer de toutes pièces. Il a fallu tout le prestige dont jouissait alors la Russie et le chantage aux armements qu'elle a exercé, pour que le gouvernement capitaliste puisse reprendre, en Espagne, une vie de cheval de Troie, avec le stalinisme à l'intérieur, et nationaliser les moyens de production, c'est-à-dire dépouiller les travailleurs et ouvrir ensuite la porte à Franco (1). Ainsi, la nationalisation des moyens de production prend un sens inéquivoque de spoliation de la révolution sociale et montre son véritable caractère contre-révolutionnaire. En fait, elle est l'âme même de la contre-révolution. Marx n'avait évidemment pas prévu cela. Doit-on lui en faire grief ? En le lui reprochant avec l'âpreté de Camus, on tombe dans une nouvelle contradiction puisque d'une part on lui reproche sa « prophétie » et d'autre part de ne pas avoir prédit ceci ou cela. (1) V oir G. Munis : Jalones de denota : promesa de Victoria. Editorial « Lâcha Obrera », Mexico, 1947. Camus accuse Marx de fatalisme, de vouloir « un autre ordre... qui réclame, au nom de l'histoire, un nouveau conformisme ». Simple déduction de Camus, qui omet par ailleurs de nous dire sur quoi elle repose. Le fatalisme peut en effet ressortir de certaines citations de Marx où il n'a pas pris la précaution de répéter — pouvait-il le faire à chaque fois — que, si l'évolution du capitalisme conduisait à la révolution, celle-ci n'avait néanmoins aucun caractère automatique. Piètre révolutionnaire serait, par ailleurs, aujourd'hui, après l'expérience des quarante dernières années, celui qui ne proclamerait pas la nécessité d'affaiblir l'Etat né de la révolution, tout en transférant le maximum de pouvoir aux travailleurs armés et maîtres de l'appareil de production, afin de parer à un retour offensif du capitalisme sous une forme ou sous une autre et d'empêcher le nouvel Etat de reprendre des forces. Dès le premier jour de la révolution triomphante, l'ennemi devient beaucoup plus Thermidor que la contre-révolution fomentée par les capitalistes évincés. Peut-être sera-t-il impossible d'empêcher que Thermidor triomphe, mais l'important est qu'il soit contraint de se montrer nu. Camus réclame encore le « droit de parler de sa prophétie bourgeoise » (de Marx), parce qu'il a pris — il ne s'en est d'ailleurs jamais caché — « l'essentiel de sa théorie de la valeur-travail dans Ricardo ». Une question : si Camus fend la tête de son voisin avec une bêche, est-il devenu jardinier ? L'instrument est neutre, seul l'usage qu'on en fait lui confère dignité ou indignité. Une plume peut aussi bien servir à écrire un poème qu'un rapport de police. Citer Link to post Share on other sites
pmat 276 Posted January 7, 2015 Author Partager Posted January 7, 2015 Camus n'a pas été le premier à isoler des phrases de leur contexte. Cela lui est d'autant plus facile qu'il les a trouvées toutes isolées et ignore le corps d'où elles sont extraites. Les passer au presse-purée et leur faire dire jusqu'à l'opposé de ce qu'elles signifient n'était plus qu'un jeu d'enfant. Le stalinisme nous en a fait voir bien d'autres ! La seule excuse de Camus est justement qu'il n'avait à sa disposition rien de plus que ces phrases isolées et des morceaux choisis (choisis par qui?), ce qui lui permet d'établir des parallèles surprenants, tel celui où le prolétariat prend figure de Christ. Bien qu'athée, Camus respire manifestement à travers le masque asphyxiant du christianisme. Il n'est en effet question, tout au long de son livre, que de faute, de grâce, de culpabilité, de châtiment d'innocence, etc., comme si l'homme n'était pas éternellement innocent ! Ces renvois aux évangiles (p. 261) suffisent en outre pour se convaincre qu'il les connaît beaucoup mieux que Marx, privé de tout renvoi soit à une page, soit même à un chapitre. Il lui est aisé d'affirmer après cela que « l'âge d'or renvoyé au bout de l'histoire et coïncidant, par un double attrait, avec une apocalypse, justifie donc tout ». Cette affirmation de Camus revient à dire que, pour Marx, la fin justifie les moyens. Il insiste d'ailleurs plusieurs fois sur ce thème de la fin et des moyens. Or le grand souffle d'émancipation qui passe à travers Marx s'oppose catégoriquement à une telle attitude. Fin et moyens sont, pour lui, interdépendants. On ne fait pas plus de sculpture avec un moulin à café qu'on n'aboutit à la liberté par l'esclavage. La fin ne s'atteint que par l'adoption d'une série de moyens concordants entre eux et convergeant vers le but visé. Mieux, ils doivent concorder entre eux, non seulement sur le plan pratique, mais aussi sur les plans idéologique et moral, sinon un divorce éclate entre fin et moyens et ces derniers conduisent, sans qu'on s'en aperçoive d'abord, consciemment ensuite, a une nouvelle fin étrangère et le plus souvent hostile à la première. La révolution de 1789 donne un exemple simple de l'interdépendance de la fin et des moyens. Le but de cette révolution était de donner le pouvoir politique à la bourgeoisie, celle-ci possédant déjà en grande partie le pouvoir économique. La révolution avait entraîné, peu à peu, toutes les couches de la population dans son mouvement et, avec Marat et les Enragés, elle menaçait de déborder le cadre bourgeois qui lui était assigné, pour se transformer en révolution sociale, Robespierre et Saînt-Just écoutant de plus en plus la voix des déshérités. Pour asseoir la révolution bourgeoise, la fixer dans le cadre qui lui était assigné, Thermidor était donc le moyen indispensable. La révolution y recourut. En échange, en Russie où la révolution avait un caractère social, la réaction thermidorienne ne pouvait que supprimer ce caractère, afin de rétablir le capitalisme sur de nouvelles bases. Pour en arriver là, un monstrueux déve- loppement de la police était nécessaire afin que le crime (selon l'heureuse formule de Camus) puisse être dissimulé, dans la mesure du possible, grâce à l'exaltation des bour- reaux par leurs victimes ». Marx a insisté, tout au long de son œuvre, sur la nécessité de la révolution sociale comme moyen de passer à une forme nouvelle et supérieure de société, impliquant la suppression de toute injustice et de toute oppression. A première vue, il semble qu'il y ait contradiction entre la fin envisagée — une société sans violence — et la violence de la révolution. Mais, quel autre moyen de briser le « cycle infernal » dont parle Camus ? En réalité, la violence de la révolution ne fait que répondre à la violence permanente de la société capitaliste. Elle est le geste du condamné qui étrangle son garde-chiourme pour recouvrer sa liberté. Cette insistance de Marx suffit à Camus pour la nommer prophétie et parler ensuite de son échec, tout en déclarant plus loin qu'« après la révolution de 1917, une Allemagne soviétique aurait en effet ouvert les portes du ciel ». Si l'on admet qu'une Allemagne soviétique « aurait ouvert les portes du ciel », on ne peut plus parler de prophétie mais bien de perspective, et immédiate par surcroit. On sait que l'échec de la révolution allemande, probablement organisé par le stalinisme naissant, dont les intérêts réactionnaires s'opposaient à cette révolution, a marqué le début du reflux révolutionnaire. Les travailleurs ont donné un nouvel assaut en 1936, en partant d'Espagne mais ils ont alors trouvé contre eux, non plus la bourgeoisie résignée à son sort (Franco excepté), mais le stalinisme, soutenu et armé par la Russie qui le lançait contre la révolution, montrant ainsi que l'ennemi est bien, dans notre propre pays, mais que ses troupes de choc sont constituées par les organisations staliniennes. Il est significatif aussi que Camus ne parle pas une seule fois de la révolution espagnole. S'il n'en parle pas, ne serait-ce pas parce qu'il n'a pas réussi à l'intégrer à son raisonnement, la révolution espagnole détruisant à elle seule son cocktail vénéneux de marxisme et stalinisme ? Ou serait-ce parce que, résistant « antifasciste », qui a fait à son corps défendant le jeu du stalinisme, il n'a vu de la révolution espagnole que l'antifranquisme stalinien ? Nul ne niera que l'échec de la révolution en Allemagne et en Europe occidentale, à la fin de la guerre de 1914, puis la contre-révolution stalinienne et enfin l'échec de la révolution espagnole ont posé au monde des problèmes que Marx ne pouvait pas prévoir, n'étant pas Nostradamus. « L'évolution économique du monde contemporain dément d'abord un certain nombre de postulats de Marx », dit Camus. Marx ne pouvait émettre d'hypothèses que pour la période immédiatement à venir, jamais il n'a affirmé que ces hypothèses seraient éternellement vala- bles. La révolution sociale clôturait logiquement la période qu'il examinait. Celle-ci ayant échoué, reste à Tordre du jour, mais dans une nouvelle période capitaliste qui s'est ouverte, celle de la dégénérescence du système. Si, à l'épo- que de Marx, on pouvait prévoir une concentration indéfi- jiie du capital, Camus n'a qu'à ouvrir les yeux pour voir qu'elle se poursuit encore. Elle est même achevée en Russie, puisque tout appartient à l'Etat, même les hommes qui, eux, relèvent directement de la police. Cette concentration du capital entre les mains de l'Etat est un signe de dégéné- rescence sociale, celle-ci étant devenue inévitable à cause de l'échec de la révolution et étant appelée à se poursuivre si la révolution ne vient pas arrêter ce mouvement. Il en «st de même du nationalisme, que Camus invoque contre Marx. Son exacerbation présente n'est rien autre qu'une -conséquence de la décrépitude sociale croissante. Cette dégénérescence sociale s'exprime aussi par la sta- bilisation du nombre des prolétaires et plus encore par leur régression là où elle se produit, stabilisation ou régres- sion agissant au bénéfice d'une prolifération morbide du .secteur de distribution, des fonctionnaires et de l'appareil de maîtrise. Marx a déclaré plus ou moins explicitement •que faute du triomphe de la révolution, la dégénérescence •deviendrait inévitable. C'était d'ailleurs déjà implicite dans son œuvre puisque selon lui une forme de société naît, s'épanouit, dépérit et disparaît soit qu'elle engendre une forme supérieure, soit que sa sénilité la conduise à 67 la décomposition, soit à la suite d'une invasion, soit encore comme conséquence d'une combinaison de ces deux der- niers moyens. C'est précisément ce qui est arrivé dans les exemples historiques que Camus avance (p. 270), encore qu'il reste à voir si dans le cas de Mycène et des Maures d'Espagne, il s'agissait d'un conflit entre deux formes de civilisation ou d'une rivalité entre deux tendances d'une même civilisation. Si, demain, Staline s'installait à Paris et anéantissait le capitalisme français avec la propriété privée, pour instituer le capitalisme d'Etat à la russe, comme il l'a fait en Tchécoslovaquie et dans tout l'Est européen, il n'y aurait pas conflit entre deux formes de civilisation, capitalistes dans les deux cas. Il est en effet indifférent que les moyens de production appartiennent à des individus, à des sociétés anonymes ou à l'Etat, ce qui compte, c'est que l'homme reste séparé des instru- ments de travail. suite Citer Link to post Share on other sites
pmat 276 Posted January 7, 2015 Author Partager Posted January 7, 2015 Dans le schéma de Marx, l'économie agricole n'occupait qu'une place secondaire face à l'économie industrielle alors en plein ascension. A juste titre, puisque dans le régime capitaliste, l'industrie entraîne l'agriculture, tandis que cette dernière, en France surtout, n'a pas cessé de freiner le mouvement. Le capitalisme français a dû à l'impréparation des Communards et au concours actif qu'il a reçu des troupes paysannes, l'écrasement de la Commune. Il a si bien compris alors le rôle réactionnaire dévolu à une paysannerie satisfaite que, depuis lors, tous les gouvernements n'ont pas cessé de flatter et de servir cette paysannerie, à telle enseigne qu'aujourd'hui les pay- sans (environ 35 % de la population) paient 0,7 % des impôts, tandis qu'une proportion sensiblement égale de salariés des villes en paie 70 %, soit cent fois plus. Mieux encore, il existe des cantons où les seuls contribuables sont les fonctionnaires, instituteurs et autres, tandis que le percepteur passe son temps à verser des indemnités 68 diverses aux paysans. Il s'agissait alors pour le capitalisme français de créer une couche de paysans satisfaits et prêts à s'opposer à la révolution Sociale. Le stalinisme a fort bien compris la leçon puisqu'il applique la même méthode dans les pays où il s'est imposé par la force des armes. Ce n'est pas pour rien non plus que le pourcentage des voix accordées aux staliniens, dans les départements à forte majorité paysanne, s'est encore accru aux dernières élections législatives : les paysans savent fort bien où se trouvent aujourd'hui les défenseurs les plus actifs et les plus acharnés de la propriété. Que faut-il à Camus pour que la mission du prolétariat < s'incarne dans l'histoire »? La Commune de Paris a été le fait des prolétaires, les révolutions russes de 1905 et 1917 également, de même que les révolutions allemandes de 1919 et 1923, de même encore que la révolution espa- gnole de 1936. Elles ont échoué, mais est-ce une raison pour refuser de voir le rôle qu'y a pris le prolétariat ? Est- ce le succès que réclame Camus, comme justification, comme signe d'incarnation ? Certes, si l'on attend, pour Que la mission du prolétariat « s'incarne dans l'histoire », qu'il ait acquis « la capacité politique et juridique », on attendra à coup sûr très longtemps, éternellement je crains. La révolution sociale est rendue particulièrement difficile par la position même, dans la société du prolé- tariat, qui est privé de tout, même de culture. Cette société lui a déjà accordé le maximum de culture et de liberté compatible avec l'existence des privilèges sur les- quels elle repose, mais nous sommes arrivés au glisse- ment vers la décomposition, c'est pourquoi la révolution est devenue plus difficile que jadis, mais aussi plus urgente. Demain, elle le sera plus encore, mais restera- t-elle possible ? La condition ouvrière qu'a dépeinte Simone Weil est bien au-dessous de la réalité actuelle, car elle parlait 69 avant la dernière guerre. Si Camus voyageait dans le mé- tro à certaines heures, il verrait l'état d'épuisement des ouvriers sortant du travail et il comprendrait combien la condition ouvrière s'est aggravée. L'état auquel le capi- talisme a réduit le prolétariat constitue, par lui-même, un- obstacle nouveau et alarmant pour la révolution sociale. Est-ce une raison parce que les staliniens, lorsqu'ils étaient au pouvoir, ont tout fait pour aggraver la situation des travailleurs, en réclamant d'eux une productivité accrue, pour parler de « socialisme industriel » ? Toutefois, Camus a raison de dire que la « forme politique de la société n'est plus en question à ce niveau » (décrit par Simone Weil). L'ouvrier doit d'abord retrouver le loisir, ce bien qui lui a été arraché, aussi précieux peut-être que la liberté et sans lequel cette dernière n'est qu'un vain mot. A ce propos, vive le Droit à la paresse ! Si l'homme n'a pas ce droit élémentaire, il ne dispose d'aucun moyen de se retrouver, il n'est plus qu'une pièce mobile de sa machine. Le syndicalisme, révolutionnaire ou non, n'y pouvait rien parce qu'il est le prolongement d'une tradition de lutte dans le cadre d'une société de classes qu'il ne s'était jamais réellement proposé de détruire d'abord. Camus a besoin, pour sa démonstration, de déclarer que « toute collectivité en lutte... accumule pour s'accroître et accroître sa puissance », remettant la justice au lende- main. Nul ne doute qu'il n'en soit ainsi en un régime stali- nien dont le but n'a jamais été la justice, mais l'oppres- sion. Il est encore bon de rappeler ici la révolution espa- gnole dont le premier soin fut de proclamer l'égalité des salaires, mesure que, seuls, les staliniens n'ont pas long- temps appliquée, car ils avaient trop besoin de corrompre ceux qui attendaient anxieusement d'être corrompus. Marx n'est pas plus responsable de Staline que les rédac- teurs de la Genèse ne le sont du fonctionnaire clérical appelé pape ; d'ailleurs Staline — que tous les renseigne- 70 ments concordent pour présenter comme un activiste et non comme un théoricien — connaît encore moins Marx que ne le connaît Camus. Il a toujours considéré la théorie selon tous les témoignages, comme un chien un bouquet de roses : un objet bon à lever la patte dessus. C'est pourquoi Staline rend « la science marxiste par la terreur », c'est- à-dire fait adapter la science au marxisme tandis que la science reposant sur des faits contrôlables doit au contraire servir de base à une revision des conceptions de Marx. Sii'on assiste à l'opposé, en Russie, c'est bien en ef- fet parce qu'à l'inverse de la démonstration de Marx, fai- sant sourdre la politique de la religion, cette politique, la dégénérescence sociale étant intervenue, retourne à ses ori- gines religieuses et, par là, contribue encore à aggraver la dégénérescence. Celle-ci pèse déjà lourdement sur le mou- vement révolutionnaire et, quoi qu'en disent Camus et ses « marxistes », les délais ne peuvent plus être allongés indéfiniment, sinon il deviendra impossible d'envisager la révolution pour une époque humainement prévisible. L'histoire est maintenant engagée dans une course de vitesse entre la dégénérescence sociale et la révolution et, dans cette course, la révolution, chargée du stalinisme portant les cadavres de la révolution d'octobre et de la révolution espagnole, est en mauvaise posture. Au con- traire, un délai très court est encore accordé aux révolu- tionnaires par l'histoire et, passé ce délai, la seule pers- pective de la société sera le lent pourrissement des civi- lisations qui n'ont pas su trouver en elles-mêmes les forces nécessaires pour se dépasser et se renouveler dans une forme supérieure. Lénine s'était voué à la révolution en Russie. Les condi- tions de ce pays, sous le régime tsariste, où la police jouis- sait d'un pouvoir sans équivalent dans le monde d'alors (mais combien faible en regard de l'actuelle police stali- nienne ! ), exigeait une organisation fortement concentrée 71 et agissant comme un seul homme, une fois la décision démocratiquement prise, si l'on voulait que triomphe la révolution. Dans l'esprit de Lénine, il s'agissait de donner le premier pas (peu lui importait que ce fût en Russie ou ailleurs, il aurait même préféré que ce fût ailleurs) et il a répété à satiété, de 1917 à sa mort, que sans la révolution européenne, ou au moins la révolution allemande pour commencer, le pouvoir des Soviets était destiné à périr. Il a reçu la pire mort qu'il pouvait attendre, il s'est vu transformé en une sorte de « zombi » par Staline et les siens, le jour où ils ont proclamé l'établissement du socia- lisme dans un seul pays. Ce national-socialisme avant la lettre ne pouvait pas donner autre chose que ce qu'il a donné. Mais où est Marx dans tout cela ? Certes, il est invoqué à tout propos, d'autant plus qu'il est plus étranger au système régnant en Russie, où il n'y a pas plus de Marx que de ptérodactyles dans le ciel de Paris. Si Camus consentait à appeler révolution ce qui l'est et contre-révolution ce qui s'y oppose, on ne pourrait objecter que peu de choses à « la totalité et le procès ». Tout au plus objecterait-on à des affirmations gratuites comme « la vraie passion du XX* siècle, c'est la servitude » qui montrent l'estime démesurée en laquelle se tient Camus, face au mépris qu'il éprouve pour le reste de l'humanité en proie à cette passion. Il en est de même pour « le mira- cle dialectique, la transformation de la quantité en qualité qui s'éclaire! ici : on choisit d'appeler liberté la servitude totale ». Les deux points peuvent précéder n'importe quoi, par exemple : on choisit d'appeler veau une cuiller ; ce qui n'empêche qu'en Russie stalinienne, il en soit ainsi, mais cela n'a pas le moindre rapport avec un « miracle dialectique ». Il est difficile d'admettre que Camus, ne mélange pas à dessein révolution et contre-révolution, sous le prétexte que l'une et l'autre se réclament de Marx. Son but évident 72 consiste en effet à jeter le discrédit sur toutes les formes de révolution car le révolutionnaire, pour lui, se mue en « policier et fonctionnaire qui se dresse contre la révolte >- On peut même affirmer que, dans son esprit, cette muta- tion s'opère automatiquement, car tout au long de son livre pas une ligne ne vient corriger cette affirmation. Il s'ensuit que, pour Camus, la révolution est à rejeter, du. moins sous les formes que nous connaissons. Va-t-il nous en proposer d'autres, va-t-il nous offrir une méthode pour en finir avec un monde qu'il juge lui-même intolérable ? Non. Tout le dégoûte, rien de plus. Seule, trouve grâce à ses yeux, la révolte et encore celle du terroriste qui meurt en lançant ses bombes ou sous les balles de la police. En. un mot, il ne nous offre qu'une révolte stérile. Une cri- tique de la notion d'efficacité est certes nécessaire en fonction des abus de cette efficacité même dont le moin- dre n'est pas de nous ramener subrepticement à la justi- fication de la fin par les moyens, mais Camus ayant rejeté cette efficacité est naturellement conduit à l'opposé, à la stérilité, n défend même cette stérilité sous deux formes, celle qui vient d'être indiquée et en tentant d'assujettir à la révolte la muselière de la mesure. La révolte en se situant aux limites de la conscience et de l'affect où règne la passion qui lui donne son élan, échappe forcément à, toute idée de mesure ou de démesure. On ne saurait mieux la comparer qu'à une éruption volcanique ou un tremble- ment de terre. Camus veut-il imposer une digue à une éruption ? La révolution, en tout cas, n'a pas cette ambi- tion comme semble le croire Camus, elle cherche simple- ment à donner une expression et un contenu concrets aux aspirations diffuses de la révolte. Lorsque le 19 juillet 1936 les masses espagnoles se sont lancées à la rue pour répondre au coup d'Etat de Franco, elles étaient en révolte à la fois contre le gouvernement républicain, incapable de déjouer et de dominer le complot militaire et contre ce complot même. Leur victoire a aussitôt et automatique- n ment transformé cette révolte en révolution, mais cette dernière a découvert instinctivement une forme que n'avaient recommandée ni les marxistes ni les anarchistes, si bien que tous les groupements politiques et syndicaux se trouvèrent, le lendemain de l'éviction du capitalisme, désemparés par la nouveauté du fait et incapables d'en comprendre la portée. Les masses avaient agi sans se soucier des mots d'ordre de leurs dirigeants et créé de toutes parts des comités qui assumaient localement le pouvoir vacant. Au lieu de terminer l'œuvre des masses en appelant tous ces comités qui s'étaient créés spontané- ment à élire un organisme central pour assurer la direc- tion de la révolution, ces organisations les laissèrent végé- ter, tandis qu'elles s'entendaient avec leurs adversaires bourgeois de la veille. C'était faire la part belle au stali- nisme qui, tout en voyant nettement le péril mortel repré- senté pour lui par la révolution s'organisant en tant que telle, comprit aisément tout le parti qu'il pouvait tirer de la situation et en profita pour anéantir la révolution. Cet exemple montre combien révolte et révolution sont intimement liés à notre époque. En réalité, toute sépara- tion entre elles est toujours plus ou moins arbitraire car les travailleurs sentent — quand ils ne le savent pas — «e qui est nécessaire. Qui avait, en juin 1936, donné le mot d'ordre d'occupation des usines ? Personne. C'est si vrai que Blum, aussi bien que Thorez, n'ont rien eu de plus pressé, tout en soutenant le mouvement en paroles, que de le saboter en apportant la « mesure » réclamée par Camus pour la révolte, empêchant celle-ci de se trans- iormer en révolution. Est-ce ïe but que se propose Camus ? Il ne le semble pas. Il a simplement voulu jouer, jongler avec la révolte, l'anarchie et le marxisme, mais c'est un jeu où l'on se brûle. Aussi Camus s'est-il brûlé, il n'en reste même plus que des cendres. Albert Camus Algérie. Guerre d'Algérie. Histoire. 50ans. Cinquantenaire anarchisme politique TOUS LES + DISCUTÉS LES + RECOMMANDÉS ORDRE CHRONOLOGIQUE TOUS LES COMMENTAIRES 30/08/2013, 17:54 | PAR ROGER MULOT mensuel anarchiste communiste c'est un gag ?? ALERTER 30/08/2013, 18:05 | PAR JPD Non pourquoi ? ALERTER suite Citer Link to post Share on other sites
pmat 276 Posted January 7, 2015 Author Partager Posted January 7, 2015 Dans le schéma de Marx, l'économie agricole n'occupait qu'une place secondaire face à l'économie industrielle alors en plein ascension. A juste titre, puisque dans le régime capitaliste, l'industrie entraîne l'agriculture, tandis que cette dernière, en France surtout, n'a pas cessé de freiner le mouvement. Le capitalisme français a dû à l'impréparation des Communards et au concours actif qu'il a reçu des troupes paysannes, l'écrasement de la Commune. Il a si bien compris alors le rôle réactionnaire dévolu à une paysannerie satisfaite que, depuis lors, tous les gouvernements n'ont pas cessé de flatter et de servir cette paysannerie, à telle enseigne qu'aujourd'hui les pay- sans (environ 35 % de la population) paient 0,7 % des impôts, tandis qu'une proportion sensiblement égale de salariés des villes en paie 70 %, soit cent fois plus. Mieux encore, il existe des cantons où les seuls contribuables sont les fonctionnaires, instituteurs et autres, tandis que le percepteur passe son temps à verser des indemnités 68 diverses aux paysans. Il s'agissait alors pour le capitalisme français de créer une couche de paysans satisfaits et prêts à s'opposer à la révolution Sociale. Le stalinisme a fort bien compris la leçon puisqu'il applique la même méthode dans les pays où il s'est imposé par la force des armes. Ce n'est pas pour rien non plus que le pourcentage des voix accordées aux staliniens, dans les départements à forte majorité paysanne, s'est encore accru aux dernières élections législatives : les paysans savent fort bien où se trouvent aujourd'hui les défenseurs les plus actifs et les plus acharnés de la propriété. Que faut-il à Camus pour que la mission du prolétariat < s'incarne dans l'histoire »? La Commune de Paris a été le fait des prolétaires, les révolutions russes de 1905 et 1917 également, de même que les révolutions allemandes de 1919 et 1923, de même encore que la révolution espa- gnole de 1936. Elles ont échoué, mais est-ce une raison pour refuser de voir le rôle qu'y a pris le prolétariat ? Est- ce le succès que réclame Camus, comme justification, comme signe d'incarnation ? Certes, si l'on attend, pour Que la mission du prolétariat « s'incarne dans l'histoire », qu'il ait acquis « la capacité politique et juridique », on attendra à coup sûr très longtemps, éternellement je crains. La révolution sociale est rendue particulièrement difficile par la position même, dans la société du prolé- tariat, qui est privé de tout, même de culture. Cette société lui a déjà accordé le maximum de culture et de liberté compatible avec l'existence des privilèges sur les- quels elle repose, mais nous sommes arrivés au glisse- ment vers la décomposition, c'est pourquoi la révolution est devenue plus difficile que jadis, mais aussi plus urgente. Demain, elle le sera plus encore, mais restera- t-elle possible ? La condition ouvrière qu'a dépeinte Simone Weil est bien au-dessous de la réalité actuelle, car elle parlait 69 avant la dernière guerre. Si Camus voyageait dans le mé- tro à certaines heures, il verrait l'état d'épuisement des ouvriers sortant du travail et il comprendrait combien la condition ouvrière s'est aggravée. L'état auquel le capi- talisme a réduit le prolétariat constitue, par lui-même, un- obstacle nouveau et alarmant pour la révolution sociale. Est-ce une raison parce que les staliniens, lorsqu'ils étaient au pouvoir, ont tout fait pour aggraver la situation des travailleurs, en réclamant d'eux une productivité accrue, pour parler de « socialisme industriel » ? Toutefois, Camus a raison de dire que la « forme politique de la société n'est plus en question à ce niveau » (décrit par Simone Weil). L'ouvrier doit d'abord retrouver le loisir, ce bien qui lui a été arraché, aussi précieux peut-être que la liberté et sans lequel cette dernière n'est qu'un vain mot. A ce propos, vive le Droit à la paresse ! Si l'homme n'a pas ce droit élémentaire, il ne dispose d'aucun moyen de se retrouver, il n'est plus qu'une pièce mobile de sa machine. Le syndicalisme, révolutionnaire ou non, n'y pouvait rien parce qu'il est le prolongement d'une tradition de lutte dans le cadre d'une société de classes qu'il ne s'était jamais réellement proposé de détruire d'abord. Camus a besoin, pour sa démonstration, de déclarer que « toute collectivité en lutte... accumule pour s'accroître et accroître sa puissance », remettant la justice au lende- main. Nul ne doute qu'il n'en soit ainsi en un régime stali- nien dont le but n'a jamais été la justice, mais l'oppres- sion. Il est encore bon de rappeler ici la révolution espa- gnole dont le premier soin fut de proclamer l'égalité des salaires, mesure que, seuls, les staliniens n'ont pas long- temps appliquée, car ils avaient trop besoin de corrompre ceux qui attendaient anxieusement d'être corrompus. Marx n'est pas plus responsable de Staline que les rédac- teurs de la Genèse ne le sont du fonctionnaire clérical appelé pape ; d'ailleurs Staline — que tous les renseigne- 70 ments concordent pour présenter comme un activiste et non comme un théoricien — connaît encore moins Marx que ne le connaît Camus. Il a toujours considéré la théorie selon tous les témoignages, comme un chien un bouquet de roses : un objet bon à lever la patte dessus. C'est pourquoi Staline rend « la science marxiste par la terreur », c'est- à-dire fait adapter la science au marxisme tandis que la science reposant sur des faits contrôlables doit au contraire servir de base à une revision des conceptions de Marx. Sii'on assiste à l'opposé, en Russie, c'est bien en ef- fet parce qu'à l'inverse de la démonstration de Marx, fai- sant sourdre la politique de la religion, cette politique, la dégénérescence sociale étant intervenue, retourne à ses ori- gines religieuses et, par là, contribue encore à aggraver la dégénérescence. Celle-ci pèse déjà lourdement sur le mou- vement révolutionnaire et, quoi qu'en disent Camus et ses « marxistes », les délais ne peuvent plus être allongés indéfiniment, sinon il deviendra impossible d'envisager la révolution pour une époque humainement prévisible. L'histoire est maintenant engagée dans une course de vitesse entre la dégénérescence sociale et la révolution et, dans cette course, la révolution, chargée du stalinisme portant les cadavres de la révolution d'octobre et de la révolution espagnole, est en mauvaise posture. Au con- traire, un délai très court est encore accordé aux révolu- tionnaires par l'histoire et, passé ce délai, la seule pers- pective de la société sera le lent pourrissement des civi- lisations qui n'ont pas su trouver en elles-mêmes les forces nécessaires pour se dépasser et se renouveler dans une forme supérieure. Lénine s'était voué à la révolution en Russie. Les condi- tions de ce pays, sous le régime tsariste, où la police jouis- sait d'un pouvoir sans équivalent dans le monde d'alors (mais combien faible en regard de l'actuelle police stali- nienne ! ), exigeait une organisation fortement concentrée 71 et agissant comme un seul homme, une fois la décision démocratiquement prise, si l'on voulait que triomphe la révolution. Dans l'esprit de Lénine, il s'agissait de donner le premier pas (peu lui importait que ce fût en Russie ou ailleurs, il aurait même préféré que ce fût ailleurs) et il a répété à satiété, de 1917 à sa mort, que sans la révolution européenne, ou au moins la révolution allemande pour commencer, le pouvoir des Soviets était destiné à périr. Il a reçu la pire mort qu'il pouvait attendre, il s'est vu transformé en une sorte de « zombi » par Staline et les siens, le jour où ils ont proclamé l'établissement du socia- lisme dans un seul pays. Ce national-socialisme avant la lettre ne pouvait pas donner autre chose que ce qu'il a donné. Mais où est Marx dans tout cela ? Certes, il est invoqué à tout propos, d'autant plus qu'il est plus étranger au système régnant en Russie, où il n'y a pas plus de Marx que de ptérodactyles dans le ciel de Paris. Si Camus consentait à appeler révolution ce qui l'est et contre-révolution ce qui s'y oppose, on ne pourrait objecter que peu de choses à « la totalité et le procès ». Tout au plus objecterait-on à des affirmations gratuites comme « la vraie passion du XX* siècle, c'est la servitude » qui montrent l'estime démesurée en laquelle se tient Camus, face au mépris qu'il éprouve pour le reste de l'humanité en proie à cette passion. Il en est de même pour « le mira- cle dialectique, la transformation de la quantité en qualité qui s'éclaire! ici : on choisit d'appeler liberté la servitude totale ». Les deux points peuvent précéder n'importe quoi, par exemple : on choisit d'appeler veau une cuiller ; ce qui n'empêche qu'en Russie stalinienne, il en soit ainsi, mais cela n'a pas le moindre rapport avec un « miracle dialectique ». Il est difficile d'admettre que Camus, ne mélange pas à dessein révolution et contre-révolution, sous le prétexte que l'une et l'autre se réclament de Marx. Son but évident 72 consiste en effet à jeter le discrédit sur toutes les formes de révolution car le révolutionnaire, pour lui, se mue en « policier et fonctionnaire qui se dresse contre la révolte >- On peut même affirmer que, dans son esprit, cette muta- tion s'opère automatiquement, car tout au long de son livre pas une ligne ne vient corriger cette affirmation. Il s'ensuit que, pour Camus, la révolution est à rejeter, du. moins sous les formes que nous connaissons. Va-t-il nous en proposer d'autres, va-t-il nous offrir une méthode pour en finir avec un monde qu'il juge lui-même intolérable ? Non. Tout le dégoûte, rien de plus. Seule, trouve grâce à ses yeux, la révolte et encore celle du terroriste qui meurt en lançant ses bombes ou sous les balles de la police. En. un mot, il ne nous offre qu'une révolte stérile. Une cri- tique de la notion d'efficacité est certes nécessaire en fonction des abus de cette efficacité même dont le moin- dre n'est pas de nous ramener subrepticement à la justi- fication de la fin par les moyens, mais Camus ayant rejeté cette efficacité est naturellement conduit à l'opposé, à la stérilité, n défend même cette stérilité sous deux formes, celle qui vient d'être indiquée et en tentant d'assujettir à la révolte la muselière de la mesure. La révolte en se situant aux limites de la conscience et de l'affect où règne la passion qui lui donne son élan, échappe forcément à, toute idée de mesure ou de démesure. On ne saurait mieux la comparer qu'à une éruption volcanique ou un tremble- ment de terre. Camus veut-il imposer une digue à une éruption ? La révolution, en tout cas, n'a pas cette ambi- tion comme semble le croire Camus, elle cherche simple- ment à donner une expression et un contenu concrets aux aspirations diffuses de la révolte. Lorsque le 19 juillet 1936 les masses espagnoles se sont lancées à la rue pour répondre au coup d'Etat de Franco, elles étaient en révolte à la fois contre le gouvernement républicain, incapable de déjouer et de dominer le complot militaire et contre ce complot même. Leur victoire a aussitôt et automatique- n ment transformé cette révolte en révolution, mais cette dernière a découvert instinctivement une forme que n'avaient recommandée ni les marxistes ni les anarchistes, si bien que tous les groupements politiques et syndicaux se trouvèrent, le lendemain de l'éviction du capitalisme, désemparés par la nouveauté du fait et incapables d'en comprendre la portée. Les masses avaient agi sans se soucier des mots d'ordre de leurs dirigeants et créé de toutes parts des comités qui assumaient localement le pouvoir vacant. Au lieu de terminer l'œuvre des masses en appelant tous ces comités qui s'étaient créés spontané- ment à élire un organisme central pour assurer la direc- tion de la révolution, ces organisations les laissèrent végé- ter, tandis qu'elles s'entendaient avec leurs adversaires bourgeois de la veille. C'était faire la part belle au stali- nisme qui, tout en voyant nettement le péril mortel repré- senté pour lui par la révolution s'organisant en tant que telle, comprit aisément tout le parti qu'il pouvait tirer de la situation et en profita pour anéantir la révolution. Cet exemple montre combien révolte et révolution sont intimement liés à notre époque. En réalité, toute sépara- tion entre elles est toujours plus ou moins arbitraire car les travailleurs sentent — quand ils ne le savent pas — «e qui est nécessaire. Qui avait, en juin 1936, donné le mot d'ordre d'occupation des usines ? Personne. C'est si vrai que Blum, aussi bien que Thorez, n'ont rien eu de plus pressé, tout en soutenant le mouvement en paroles, que de le saboter en apportant la « mesure » réclamée par Camus pour la révolte, empêchant celle-ci de se trans- iormer en révolution. Est-ce ïe but que se propose Camus ? Il ne le semble pas. Il a simplement voulu jouer, jongler avec la révolte, l'anarchie et le marxisme, mais c'est un jeu où l'on se brûle. Aussi Camus s'est-il brûlé, il n'en reste même plus que des cendres. Albert Camus Algérie. Guerre d'Algérie. Histoire. 50ans. Cinquantenaire anarchisme politique TOUS LES + DISCUTÉS LES + RECOMMANDÉS ORDRE CHRONOLOGIQUE TOUS LES COMMENTAIRES 30/08/2013, 17:54 | PAR ROGER MULOT mensuel anarchiste communiste c'est un gag ?? ALERTER 30/08/2013, 18:05 | PAR JPD Non pourquoi ? ALERTER suite Citer Link to post Share on other sites
colombo 10 Posted January 8, 2015 Partager Posted January 8, 2015 Vous lisez mes cher Watson des romans science fiction L'histoire de l'europe et du captalisme au socialisme n'est qu'une comedie En europe il n'ya que deux classe mon cjer watson Ceux prennent les impots et ceux qui le versent Peut importe mon cher watson que tu sois de droite ou de gauche..ici il le face a face ..il ceux d'avant et ceux d'arriere ceux qui ava'cent et ceux qui recule bloqué par un mur Mon cher watson que veut dire tpi un anarchiste? Moi colombo l'anarchiste quelqu'un qui refuse d'etre moulé..on essyé de pousser ,e comprimé pour sortir du moule comme les aitres mais ça ne marche,,tu sais mon cher watson jacque brel etait lui aussi inmoulable comme camus.. Il s'avaient leurs mots a dire ils l'ont bien dit.. Des frites et des moule Des moule et des frité Des hamburers puis des coca Puis des coca et des hambougers Un frite homelette mon cher watson? Citer Link to post Share on other sites
pmat 276 Posted January 9, 2015 Author Partager Posted January 9, 2015 Vous lisez mes cher Watson des romans science fiction L'histoire de l'europe et du captalisme au socialisme n'est qu'une comedie En europe il n'ya que deux classe mon cjer watson Ceux prennent les impots et ceux qui le versent Peut importe mon cher watson que tu sois de droite ou de gauche..ici il le face a face ..il ceux d'avant et ceux d'arriere ceux qui ava'cent et ceux qui recule bloqué par un mur Mon cher watson que veut dire tpi un anarchiste? Moi colombo l'anarchiste quelqu'un qui refuse d'etre moulé..on essyé de pousser ,e comprimé pour sortir du moule comme les aitres mais ça ne marche,,tu sais mon cher watson jacque brel etait lui aussi inmoulable comme camus.. Il s'avaient leurs mots a dire ils l'ont bien dit.. Des frites et des moule Des moule et des frité Des hamburers puis des coca Puis des coca et des hambougers Un frite homelette mon cher watson? j'aime l'esprit du constat cher colombo malgre le bon rapport de policier et mis dans le contexte du temps, temps tres dificile mais tu n'a pas visiter toutes les pieces on est d'accord sur l'homme consomateur et devant l'obligation a subvenir Camus en faites il a rien demander on veux lui faire faire et on veut qu'il soit X et Y alors qu'il en a rien a faire il a son caractere et parce qu'il ecrit il se devoile alors on crois avoir prise sur l'homme ils croient le connaitre et avoir des avis sur lui (c'est ce que font beaucoup ici) d'ailleur pour preuve le PCF l'avait radier Citer Link to post Share on other sites
colombo 10 Posted January 9, 2015 Partager Posted January 9, 2015 Camus comme Brel etait de vrai createur literrature et poesie.. Dans les deux cas on aimerais qu'ils dise't ce qu'on veut lire.. Ces gens là sont desinteressé par le profit,,c'est des peintre qui decrivaoe't leurs moments..que tu decouvre que tu es singe en lisa't brel ou tu es assassin sir la plage cjez camus forcement ça ne plait a personne...Camus etait moins attaqué que brel..ce dernier a finit par fuire l'europe car tous les deux les vereux de la politique voulaient et souhaiter exploiter les talons qu'ils n'avait pas ni dans la litterature ni da's la poesir pour servire leur interets.... Les vereux l'homme politique cherchait mais n'ont trouvé que la des soldat de la plume de'la camelotte d'ecrivain..pour remplir les disqie les joirneaux et les livres.. Generaleme't un tres grand ecrivains talentieux ecris pour le Dieu pas pour les minables Citer Link to post Share on other sites
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